La culture sans folklore, c'est comme du pain sans fromage. Il manque un truc important.

Pour moi, passionnée des mythes et légendes, il est impossible de passer à côté. Par "folklore", je n'entend pas forcément les clichés après lesquels courent les touristes crédules, mais avant tout, ce qui fut folklore d'autrefois, c'est-à-dire de toute population un tant soit peu héritière d'une identité, d'une culture, et même d'une tradition.

Bon, je ne suis pas une spécialiste, hein. Loin de là. Mais à ma manière, j'essaie de comprendre ce qui le compose, à quoi on le reconnaît, comment il fonctionne.

Par "folklore", j'entend donc ici, plus qu'une mythologie "officielle", les contes et superstitions du peuple ; et la relation qu'ils ont avec. Tous ces récits et témoignages relaient des archétypes divers et variés, depuis la nuit des temps, si j'ose dire. Ils sont relayés autant à partir des phénomènes naturels (environnementaux ou vitaux) que de la psychologie humaine. Nombre d'entre eux qui survivent encore aujourd'hui me semblent également dus à certains restes de paganisme : dans les campagnes, combien de Roches aux Fées, de Dolmen du Diable ou autre ?!

Je pense qu'ils sont liés à l'acceptation plus ou moins directe de certains faits, comme le côté animal de l'homme, ou la mort qui survient inévitablement. Des sujets qui font peur autant qu'ils fascinent, en d'autres termes, si malgré deux millénaires de religion monothéiste, on n'en est toujours pas venus à bout, c'est que quelque part, on avait BESOIN de les relayer, besoin d'exprimer ses fascinations, ses craintes (et ses fantasmes?) pour mieux les apprivoiser.

(Oui oui, le monothéisme a cherché à supprimer bien des mythes et des superstitions, et lorsqu'il n'y parvenait pas, il les assimilait et les transformait pour en faire soit un "gentil", soit un "méchant"... C'est ainsi qu'entre autres, tout ce qui est Elfes, Fées, Korrigans, Trolls et autres sont devenus des esprits démoniaques, de même que Cernunnos est devenu Satan... Et certains esprits bénéfiques (des fontaines, etc) sont devenus des saints et des saintes. Remarquez, c'est grâce à ce "vernis chrétien" relayé par les moines et autres scribouillards que certaines de ces légendes ont pu survivre, et les ruines païennes se trouvent souvent sous des édifices religieux (tout comme le pilier des Nautes d'ailleurs) ... Ici je simplifie, mais bon, je n'apprend rien à personne... Enfin j'espère.)

Cernunnos sur le pilier des Nautes (Musée de Cluny)

Et donc, loin de moi l'idée de vous faire en live un enfonçage de portes ouvertes. Ce qui m'intéresse surtout aujourd'hui, c'est de constater que, malgré l'ethnocide généralisé que me semble constituer la mondialisation, on a d'une part une sorte de regain d'intérêt pour le folklore ancien, et une réincarnation improbable de ce folklore dans ce que l'on appelle les légendes urbaines.

Ce qui est curieux, c'est qu'on pourrait penser que quoiqu'il arrive, le folklore est immuable : c'était peut-être le cas les siècles passées... quoique avec la Révolution Industrielle au XIXe siècle, je ne sais pas. Mais aujourd'hui, avec le progrès actuel que l'on connaît, qui est un contraste tout de même particulièrement violent avec l'époque pré-mondialisation (avant les années 60, 70), on a le paradoxe de deux concepts : d'une part, le fantastique "redoutable", de l'autre, le matérialisme scientifique.

Illustration de Brian Froud

Comment expliquer que le folklore ancien s'accroche, et que le nouveau folklore émerge, là où les paysages des XXe, XXIe siècles nous laissent avant tout voir des étendues terrestres entières bétonnées, industrialisées, aseptisées ? Comment expliquer qu'après le passage des rouleaux compresseurs que sont l'industrialisation intensive, la mondialisation et la consommation forcenée, le goût insipide du quotidien ne suffise pas à décourager la présence de nos légendes ?

Il y a certes l'effet de contraste, c'est-à-dire que tout comme un homme longtemps privé d'eau cherche désespérément à se désaltérer, des foules trop confrontées au matérialisme, au rationalisme, recherchent de quoi "respirer" avec le fantastique, voire le merveilleux. Mais pas seulement, il y a aussi comme je l'ai dit plus tôt le relai des archétypes à apprivoiser, et donc peut-être... une nécessité vitale ? Alors le choix serait-il : retour au folklore ancien par des biais plus ou moins modernisés/transformés (littérature/cinéma), ou une création d'un nouveau folklore, reprenant et/ou innovant l'ancien ?

Pierre Dubois, conteur contemporain...

Un jour que j'étais au festival des Utopiales à Nantes, Pierre Dubois, conteur de son état, nous a raconté l'anecdote d'un jeune issu de l'immigration, qui lui parlait de son équivalence de la Dame Blanche, Aicha Kandicha : "Quoi, tu la connais?! On raconte qu'elle hante le parking d'Auchan la nuit en poussant un caddie et en hurlant ... et elle est laide, très laide !" "Pourquoi ?" "Bah, parce que l'eau est polluée !!"

Curieuse adaptation du folklore, n'est-ce pas ? Et pourtant, quoiqu'en disent les puristes, il s'agit toujours de folklore, mais adapté (certes violemment) à notre époque ...

Donc oui, il me semble qu'il y a cet espèce de choix entre le folklore ancien, ou récent (qu'il soit une adaptation de l'ancien ou totalement nouveau), mais pas seulement... En effet, il m'est triste de penser que des gens savent tout à fait s'en passer, qu'ils peuvent se construire une vie où leur patron, leurs marques, leurs célébrités sont leur nouveau folklore... ceux qui incarnent tel idéal, tel concept, quoiqu'ils soient ici particulièrement réduits puisque superficiels (à tout casser célébrité, beauté, richesse, jeunesse éternelle, puissance, charisme)...

Y'a du chemin parcouru depuis la "Vénus" préhistorique ... eurk ...

En somme, les humains sur le devant de la scène ont remplacé les dieux, les déesses, les héros ou héroïnes...

En même si je ne suis pas sûre que ces concepts relayés soient toujours exactement les mêmes que ceux du folklore "conventionnel" (même si folklore et conventionnel, c'est un peu antinomique, enfin bref), je pense qu'on les retrouve tout de même, même s'ils constituent un aspect bêtement plat du folklore puisque fermé d'esprit...

Peut-on alors considérer que quoiqu'on fasse, nos fascinations, craintes, adorations qui découlent des archétypes nous suivent ? Sûrement, et quoiqu'en disent nombre de gens qui se vantent d'avoir mis leur compassion pour les autres de côté par leur chemin de vie (regardez nos chers politiciens, commerciaux, scientifiques et autres terre à terre), ils n'en demeurent pas moins humains, même s'ils en ont probablement choisi le pire aspect ...

Personnellement, j'aime l'ancien et le nouveau folklore, même si l'ancien m'inspire bien plus par son cumul d'expériences humaines et de vécu, et je hais le folklore superficiel, celui que les mercateurs ont choisi d'imposer au peuple ... (Ce n'est pas moi qui l'invente, aussi je vous invite à écouter la vidéo suivante, qui est particulièrement instructive au sujet de la société actuelle...)

Bref, pour conclure, je n'ai fait ici que survoler le folklore, en résumant la vue globale que j'en ai. En réalité, il est infiniment plus riche que cela, et une vie ne suffit pas pour l'explorer : souvent, les mêmes grandes légendes se retrouvent plus ou moins transformées d'une région à une autre, et les petites histoires locales existent par millier ... C'est leur aspect anecdotique, truculent, qui fait mouche ; et bien que le conte relaie parfois une image vieillote de Papy assis au coin du feu, racontant des histoires, on a maintenant une nouvelle génération de conteurs qui s'élève, et attire toujours autant les foules malgré elles...

folklore - legendes

D'où l'utilité du Folklore...