La télé, élément indispensable à la vie moderne... ou du moins, dans la tête de la plupart de nos contemporains, il est impensable de vivre sans le petit écran. Surtout pendant le Tour de France. Ou Secret Story. J'ai même vu des gens la prendre avec eux pendant les vacances, et dans South Park, série caricaturale et cynique traitant du monde moderne, lorsque la "fin du monde" menace, on voit des personnages prétendument menacés emporter leur télé sous le bras.

"OH MON DIEU !!! LE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE ARRIVE !!!"

Mais la preuve la plus flagrante pour moi reste la suivante : la télé est un appareil tellement "normalisé" dans les foyers, que lorsque vous remplissez la fiche d'impôts de foyer fiscal, vous n'avez pas le choix entre "télé" ou "pas de télé" lorsqu'il s'agit d'aborder la question de la redevance télévisuelle. De sorte que, lorsque vous n'en avez pas, il faut songer à faire une démarche spécifique auprès des impôts. A priori, cette déclaration reposerait sur une attestation sur l'honneur. A voir donc si on vous fait confiance ou pas.

Pour moi, c'est un brin révélateur : dans la mentalité occidentale moderne, vous ne pouvez simplement pas vivre sans télé, sinon c'est littéralement la fin du monde, le moment où le seuil de la survie est franchi.

Vous allez me dire, c'est comme beaucoup de technologies de nos jours : elles prennent tellement de place que lorsqu'elles tombent en panne, c'est le drame. Oui, c'est vrai, on en a même eu un exemple assez parlant il y a quelques semaines avec la panne du réseau téléphonique d'Orange : dépourvus de leur assistance technologique habituelle (que ça soit iphone, smartphone...), les usagers étaient totalement paniqués... en a d'ailleurs témoigné Martin Vidberg dans une illustration à mon sens très juste.

Mais parmi tous ces gadgets à la mode, la télé reste à mon sens indétrônable. Ne serait-ce parce qu'on peut la retrouver sur nombre d'autres supports technologiques : les téléphones, les ordinateurs (ce que je raconte là aurait semblé totalement improbable à nos anciens), ce qui fait qu'on peut (presque) avoir la télé où et quand on le veut... mais pas seulement.

J'ai souvent l'impression qu'est projeté sur cet objet, une personnification de ce que l'utilisateur moyen en attend. Pour les uns, elle sera coach de cuisines, pour les autres, une fenêtre ouverte sur des gens à mater (d'autant plus tranquillisant pour la conscience que ces gens sont consentants... ou inconscients).

"Pssss... Répètes après moi... "je dois repeindre ma cuisssssine comme Valérie Damidot" !!

Pour d'autres, elle est tout bêtement une présence animée, et peu importe ce qui y passe. Elle est toujours allumée, du matin au soir, tient compagnie aux vieux, aux enfants, au chien. Là où ça devient inquiétant, c'est lorsqu'elle devient la "personnalité" centrale du foyer familial, imperturbable dans son flot ininterrompu de paroles, hypnotique dont les paroles sont bues au repas dominical. C'est inquiétant, dans la mesure où on ne s'entend plus parler, on est distrait par elle donc on n'écoute plus tellement ce qu'a à dire son voisin de table,ou pire, on n'a plus le droit de parler parce que les personnes dominantes du foyer veulent écouter à tout prix et se laisser porter par ce passe-temps devenu chronophage, regardé pour être regardé. Pour moi, c'est le premier point négatif bien connu : ça dissuade les tentatives de communication, déjà peu fréquentes dans certains groupes de personnes.

Et même lorsque son contenu est plus ou moins attentivement suivi, on vous prémâche les idées, les visuels, les opinions, la notion d'esthétique, le "bon goût" en matière de musique, et j'en passe. La télévision continue également de véhiculer des archétypes psychologiques de personnes, et à force de les voir se répéter jusque dans les adaptations d'ouvrages dans les supports télévisuels et cinématographiques, on peut finir par être tentés de les suivre, parce que c'est comme ça, parce qu'on pense que ces supports sont le reflet de la réalité, donc que tout le monde fait comme ça.

L'adaptation cinématographique de la Croisée des Mondes,

ou comment on a changé Lyra, une gamine malicieuse, en une vraie petite peste.

C'est évidemment valable pour les modes, qu'il s'agisse de produits de luxe, de vêtements, ou d'auteurs de livres... "Pourquoi Marc Lévy est-il connu ?" "Parce qu'il est formidable !" "Pourquoi est-il formidable ?" "Parce qu'il passe à la télévision !" "Pourquoi passe-t-il à la télévision ?" "Parce qu'il est connu !" et caetera...

Les raisonnements qui sont insinués par ce biais télévisuel tournent assez souvent en rond comme cela, et on ne se pose pas vraiment la question de savoir si ce que la télé promeut mérite vraiment d'être remis en question, puisqu'on vous le dit que ça mérite le détour (et l'achat), c'est que c'est sûrement vrai, de tout de façon on s'en fout, c'est la mode donc faut suivre le mouvement ! D'ailleurs il suffit de voir comment tel ou tel produit s'arrache, c'est pas pour rien ! Oui, mais... Ces gens qui s'arrachent ce produit se sont passés le mot, parce qu'ils l'ont vu dans le même média que vous... Bref... Tout est suggéré, sauf le recul critique, et j'ai même la sensation que plus les années passent, plus la qualité s'empire. Autant des émissions que des pubs.

"Bin oui, forcément qu'on ne se les ai pas dites, on regardait la télé..."

N'en déplaise à notre "cher" (€) ex-chef de l'Etat Nicolas Sarkozy qui a voulu supprimer les pubs sur les chaînes nationales au-delà de 20h30... Oui, c'est vrai que c'était vachement urgent comme mesure, qui répondait parfaitement au problème n°1 des français... En-dehors de son petit confort personnel, je me suis même demandé si ce n'était pas pour faire très sincèrement (hm) copain-copain avec les Beauf de France. Comme si l'Etat français reconnaissait implicitement que la télévision était l'élément central (et vital) de la vie des français moyens.

Bref, n'en déplaise à ces râleurs ennemis farouches de la publicité, ces émissions télévisuelles n'ont pour unique but que de vous détendre entre deux séances de matraquage commercial. Evidemment, ce que je vous dis n'est pas une surprise. Et ce tour de passe-passe psychologique de distraire votre attention pour que le message rentre mieux, et soit bien au chaud dans vos petites neurones s'appelle "vendre du temps de cerveau disponible".

Et c'est là que ma modeste expérience intervient. En fait, cela fait déjà quelques années que je ne regarde plus que trèèèès rarement la télé, en somme quand je suis de passage chez un(e) ami(e) qui la possède, et qui la laisse allumée en ma présence. Oui, je n'ai pas du tout de télé et j'ai survécu, je dirais que je me porte très bien, mieux même, depuis que je n'ai plus l'éternelle causeuse chez moi.

Bon certes, il y avait dans ma petite tête dès le départ, un terreau favorable à la "vie après la télé", et ce n'est pas faute de ne pas avoir eu la télé allumée chez mes parents, puisque j'ai toujours été d'un naturel à se plaire en extérieur, et à y vagabonder des heures entières. Bref.

Mon ressenti personnel, c'est que depuis que je n'ai plus affaire à la télé (à la base, je subissais peut-être deux ou trois heures quotidiennement), je sens mon cerveau plus "léger", notamment au moment d'aller me coucher.

Oui oui, mon cerveau s'en retrouve allégé. Je m'explique.

Vous n'ignorez probablement pas que le cerveau enregistre absolument tout de nos expériences, tout ce qui implique les cinq sens, le ressenti intérieur (sentiments et émotions), et lorsque vous avez eu à accomplir un travail intellectuel (cours, exercices, recherches, etc) pendant la journée, vous vous couchez probablement avec la tête plus "lourde" que lorsque vous avez passé votre journée à ne rien faire, si ce n'est que vous avez laissé votre esprit vagabonder librement, avec option promenade ou non.

Allez hop, on met son cerveau en off et on est partis...

Et bien voilà. Lorsque vous avez passé une partie de la journée à regarder la télé, vous êtes peut-être restés inactif, n'empêche que vos méninges n'ont pas cessé de tourner pour autant, aussi abrutissante que l'émission puisse être. Il y a eu beaucoup d'images à interprêter, de paroles à comprendre, et aussi beaucoup de messages et signaux implicites pour l'inconscient.

Personnellement, je ressortais de ces "séances" épuisée autant d'un point de vue intellectuel qu'ophtalmique. Mais la journée de mon cerveau ne s'arrêtait pas là, bien au contraire ! Vous le savez aussi, lorsque le cerveau s'endort à la fin de la journée, il y a les phases de sommeil, et puis les phases de rêves, dites de "sommeil paradoxal", puisque l'activité cérébrale est plus intense qu'à l'état de veille. (Peut-être aussi parce que vous avez la sensation lors d'un rêve d'être parfaitement éveillés.)

A toi public, je te présente la mémoire de mon humble cervelle... originale, en plus !

Si l'activité cérébrale est plus intense, c'est parce que c'est précisément le moment des cycles de sommeil où le cerveau va trier et ranger les informations reçues pendant la journée. Personnellement, j'illustre ça en disant que l'inconscient a en face de lui un gros meuble, la partie "mémoire" du cerveau, qui contient de nombreux tiroirs, dans lesquels il faut ranger ces informations (oui je sais, c'est très imagé)...

Bref, le mien avait pas mal de boulot, et je vais jusqu'à croire que j'ai un cerveau très réceptif aux images télévisuelles, puisqu'il m'arrivait de revivre dans mes rêves des situations vues à la télévision peu de temps auparavant, de ré-entendre les jingles ou les musiques des publicités, de recroiser des objets ou des créatures issues du même support. Sans compter les musiques ou les dialogues débiles qui restent dans la tête à l'état de veille, comme si c'était tellement stupide (au sens trop simple) que le cerveau buggait dessus, avec un raisonnement inconscient du genre "je dois le retourner dans tous les sens et le rejouer, c'est incomplet, il manque probablement une information".

Que celui qui n'a jamais eu aucun air débile en tête me jette la première pierre...

Cependant, n'allez pas croire que j'invente ou que je suis un cas psychiatrique, je suis loin d'être la seule, et c'est d'ailleurs ce qui m'a donné l'idée d'écrire cette article : depuis que je lis des sites comme "vie de merde" ou "dans ton chat", je tombe assez régulièrement sur des situations fort influencées par les médias, avec en tête la télévision. Alors certes, on va me dire que la majorité des perles de ces sites sont des fakes, il n'empêche que ces situations ont été écrites par des gens, et qu'elles soient inventées ou non, elles restent fortement imprégnées de culture télévisuelle.

En somme, même en cas de fake, il faut déjà penser au scénario dans lequel on peut ressortir cette référence, et quelque part, c'est peut-être aussi parce que la personne qui le raconte rêverait de sortir une réplique pareille si la situation opportune se présentait.

Donc, chacune de ces personnes y va de son "trait d'esprit" qui fait référence à une situation déjà vue à la télé, et ça va de la blague absurde jusqu'à la réponse pré-formatée parce que le contexte ou le dialogue s'y prête, engendrant le désespoir des récepteurs de ces vannes, qui déplorent le manque d'imagination et de délicatesse de ceux qui les émettent. Un exemple à la louche : "mais en fait, ce truc, c'est fait par qui ?" "Par Picard !!" Hahaha. La foule s'esclaffe, l'auteur de la vanne salue, le rideau tombe.

"Dans la catégorie Mauvais Goût, qui dit mieux ???"

Bref, vous voyez ce dont je veux parler : ces gros malins de l'humour qui se croient fins parce qu'ils savent vous ressortir n'importe quel slogan publicitaire si la situation s'y prête. Et ça, c'est quand même révélateur de l'impact de la télé sur les esprits, non ? C'est une preuve toute bête, mais que chacun d'entre nous peut, à ses dépends ou non, constater quotidiennement.

Vous l'aurez compris : la télé, ce n'est vraiment pas mon truc, je n'aime pas ça pour l'impact que ça a sur l'inconscient, ne serait-ce que pour la pollution mentale que ça représente... mais les pubs, les PUBS !!! Elles sont réellement pires que tout, et la situation du gros lourd qui vous sort un slogan au mauvais moment n'est pour moi que la phase visible de l'iceberg.

Revenons au "temps de cerveau disponible". Maintenant qu'on a vu comment le message publicitaire rentre merveilleusement bien dans nos petites neurones, il va falloir se poser la question de savoir si on aurait pas inversé les rôles. Vous, vous regardez des émissions télévisées, entrecoupées de séquences publicitaires. Demandez-vous si ce ne serait pas plutôt les séquences publicitaires qui sont entrecoupées d'émissions télévisées, histoire de remettre une couche de détente et de repos entre elles.

Après tout, dans les émissions télévisuelles, il n'y a pas toujours besoin de gamberger, de mémoriser, et d'avoir beaucoup de réflexion (sauf dans Arte) ; la caméra voyage pour vous, confortablement installé dans votre canapé, et vous la regardez d'abord (paraît-il) pour la distraction et la détente. Ha, je crois qu'on a mis le doigt sur un truc là.

Le chouchoutage de votre cerveau que constitue votre émission préférée vous semble-t-il toujours aussi désintéressé et gratuit ? Il faut bien ménager ces précieuses petites neurones après tout, ces neurones qui valent de l'or : eh oui, on vient de mettre votre cervelle aux enchères sans même que vous vous en rendiez compte. Et le pire, c'est que vous payez la taxe audiovisuelle pour ça.

C'est de la prestigitation à l'état brut, dans l'un de ses principes les plus communs : vous détournez habilement l'attention de vos spectateurs, pour faire pendant ce temps une opération discrète, qui passe de ce fait inaperçue. Cela peut aussi s'appeler vendre du rêve. Mais du rêve seulement, car l'idéal ne sera bien sûr jamais réellement atteint : l'incitation à la consommation se veut être chez l'individu moyen une soif inextinguible.

Alors que faire ? Personnellement, vous l'aurez compris, j'ai choisi la solution radicale, la suppression dans le périmètre de mon humble demeure de tout poste de télévision. Mais dans l'absolu, je ne crois pas qu'on doive nécessairement en venir jusque là : on peut tout aussi bien être féru de culture et trouver son compte une ou deux heures par jour sur Arte. Voici donc ce que je conseillerai, en toute humilité : vous vous rappelez de mon meuble à nombreux tiroirs dont je vous ai parlé tout à l'heure pour illustrer la mémoire à ranger ? Eh bien j'en ai une autre version, qui devrait plaire tout spécialement à mes amis geeks :

A la fin de votre journée, votre cerveau est comme un disque dur à défragmenter, avec un espace mémoire bien défini. Il est plein de tout ce que vous avez fait pendant la journée : activités et temps passé devant la télévision étant considéré comme de l'espace plein ; et le temps que vous avez passé à ne rien faire, à vous ennuyer, et à laisser votre esprit aller librement, comme de l'espace vide. La défragmentation du disque est votre phase de sommeil correspondant au rêve, pendant lequel votre cerveau range les fichiers de l'espace plein grâce à l'espace vide (comme du tétris si on veut).

En haut, avant la défragmentation. En bas, après la défragmentation.

Vous voyez l'utilité de l'espace vide ?

Si vous blindez votre cerveau de télévision, non seulement vous allez être fatigués parce que votre "disque dur" de cerveau sera plein, mais en plus la défragmentation ne pourra pas s'opérer correctement par manque d'espace vide. Et vous allez finir par avoir des nuits tout sauf reposantes, et par être chaque jour plus épuisé que la veille sans savoir pourquoi.

En revanche, si vous prenez du temps pour vous, pour rêvasser, ne penser à rien, glander, vous ennuyer ou que sais-je, vous aurez assez d'espace vide pour que la défragmentation puisse se faire correctement. Vous vous reposerez donc beaucoup mieux.

En conclusion, laissez donc à votre cerveau la marge disponible pour défragmenter, et relativisez. Non, la télé n'est pas tout, on peut même vivre sans. Apprenez à observer la vie tout simplement : c'est à votre portée, c'est en 3D, on peut interagir avec le scénario, et en plus c'est gratuit.

Alors, franchement, que demande le peuple ???

... S'il le savait, ça ne serait peut-être pas les films du soir sans publicité ...

La télé ou la Vie